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2 mars 2008 7 02 /03 /mars /2008 18:49

A environ un an des élections législatives et quelques mois après la fin de "Janadesh 2007", voilà une mesure qui ne passe pas inaperçue en Inde : le 29 février, Chidambaram, le ministre des finances indien, a annoncé la création d'un fonds de 15 milliards de dollars pour effacer la dette des paysans les plus pauvres.
Malgré le risque de détournement de fonds et la part de populisme qui sous-tend cette mesure (les plus défavorisés se mobilisent généralement en masse pour les élections en Inde), elle pourrait apporter un peu d'air aux pauvres ruraux.

En août 2005, une autre mesure importante pour les campagnes, et notamment les paysans sans terre, avait été adoptée par la majorité menée par le parti du Congrès : une loi garantissant une sorte de revenu minimal rural, versé à condition que le paysan ait travaillé au mois 100 heures au cours du mois. L'application de ce "national rural employment guarantee act" laisse cependant encore à désirer, car elle est dévolue à des fonctionnaires locaux, parfois débordés, parfois corrompus.
Dans l'Inde rurale d'aujourd'hui, les suicides de paysans pour cause d'endettement insurmontable sont fréquents. Selon le ministre de l'agriculture, 150 000 d'entre eux se seraient donné la mort entre 1997 et 2005. Ces suicides sont particulièrement nombreux dans des Etats pourtant plutôt favorisés, comme le Kerala ou le Maharashtra (l'Etat de Bombay). Explication de ces paradoxes : dans ces Etats où l'agriculture a été modernisé à marche forcée, les agriculteurs s'endettent pour acheter des pesticides et autres produits chimiques à prix d'or, tandis qu'ils vendent leur production agricole à un prix relativement bas, fixé par l'Etat.
Aujourd'hui, plus de 40% des paysans indiens sont endettés, contre 26% à la fin des années 1990.


Photos : paysans du sud du Karnataka (Inde du sud)
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26 novembre 2007 1 26 /11 /novembre /2007 17:33

Un mois après la fin de Janadesh, le combat des populations tribales pour le droit à occuper leurs terres ancestrales continue. Illustration en Orissa,  grâce à un article de l’Hindustan Times. L’Orissa se trouve dans l’Est du pays ; c’est un Etat dont le sous-sol est très riche en matières premières mais dont la population est très déshéritée. Extraits :

“Thousands of miles from Goa, in Orissa’s Kalahandi district, the Dongaria Kondh tribals are fighting to keep their sacred Niyamgiri hills away from the prying eyes of UK-based Vedanta Resources Plc. The company wants to mine the bauxite-rich region and has set up a refinery at Lanjigarh

On Friday, the Supreme Court barred the company from mining at Niyamgiri hills, but said if the state wants to go ahead, it will have to form a special purpose vehicle which would include the Orissa Mining Corporation and Sterlite Vedantas Indian arm. […]

The company has been facing protests from the beginning of the project in 2002. This region is one of the few in the state that still has primary forest cover of about 90 per cent. The tribals say mining would affect at least 35 waterfalls and two rivers. “If they displace us, then it will lead to a bloodbath in western Orissa,” Jitu Jakeseka, a tribal, told a news agency”.

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4 novembre 2007 7 04 /11 /novembre /2007 17:25

Janadesh est terminé, et la vocation de ce blog disparaît en même temps. Me voilà revenue en France, loin des villages du Madhya Pradesh (photo) et des kilomètres à dévorer pas après pas en direction de New Delhi. Dans les rues, plus de vaches, dans le riz plus d’épices, au plafond plus de ventilateur. Mais au fond des yeux, les images de la détermination de tous ces paysans qui espèrent offrir un avenir meilleur à leurs enfants, et si possible à eux-mêmes.            
          

Le processus politique ne fait que commencer et seul le temps dira si le gouvernement indien réussit à ménager la chèvre et le chou, à choisir entre la création à tour de bras de zones franches industrielles sur des terres agricoles et les revendications des quelque 70% de la population qui dépendent de l’agriculture pour leur subsistance.               

En attendant, je tiens à remercier les interprètes hindi-anglais (photo) qui m’ont permis d’effectuer mes interviews auprès des marcheurs. Une pensée particulière pour Sharique, qui n’est pas sur la photo mais a été le plus serviable de tous.


Tous  étudiants à Delhi âgés de 16 à 26 ans, casquette vissée sur la tête et portable à l’oreille, ils font partie de la classe moyenne (voire moyenne-supérieure). Participer à Janadesh, même contre rémunération, leur a ouvert les yeux sur la situation des Indiens ruraux les plus pauvres.  “A Delhi, nous vivons entre amis, dans un foyer pour étudiants. C’est la belle vie, nous n’avons qu’à étudier et à mettre les pieds sous la table le soir, explique Danesh (T-shirt bleu marine). J’ai réalisé que ces gens devaient se battre chaque jour pour la survie de leur famille”. Même quand ils viennent de zones rurales, ces jeunes n’ont pas l’habitude de cotoyer les plus pauvres de leurs villages.

Enfin, un grand merci à Samuel et Anaïs, qui ont donné beaucoup d’eux-mêmes pour que les Occidentaux participant à la marche ne se sentent pas trop égarés, et ont ainsi contribué à en faire une expérience marquante.

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2 novembre 2007 5 02 /11 /novembre /2007 17:13

Cet automne est marqué en Inde, du Bihar au Kerala, par toute une série d’événements violents qui prouvent que l’ahimsa gandhienne n’est pas la méthode d’action choisie par tous. Ils rendent encore plus exemplaire la victoire pacifique des paysans sans terre.

Lynchages, rondes de surveillance et bastonnages à mort orchestrés par des milices de villageois, trains brûlés…les épisodes sinistres se multiplient et révèlent que la défiance à l’égard des autorités (police comme justice) pousse la population à se constituer en foule vengeresse, et bien sûr aveugle.

Au Kerala, un Etat pourtant souvent donné en exemple, une femme enceinte et sa fille de 16 ans ont failli être lynchées par la foule après avoir été accusées (à tort) du vol d’un bijou.

Au Bihar, le 13 septembre, dix personnes qui revenaient de nuit d’un mariage ont été lynchées “par erreur” par un groupe de villageois.

Parallèlement, la communauté des Gujjars, qui cherche en vain à obtenir le statut de “Scheduled Tribe” depuis des années (ce statut permet de bénéficier d’une politique de discrimination positive), a décidé de passer à la manière forte pour arriver à ses fins. Arrachages de rails de voies ferrées et attaques de propriétés privées ont causé la mort de 26 personnes.

Selon le magazine India Today, cet état de fait est dû à l’incapacité du système judiciaire indien à agir vite et efficacement. L’hebdomadaire souligne qu’il manque quelque 3000 juges en Inde et que 26 millions d’affaires sont en attente de jugement. Récemment, un verdict a été prononcé pour un cas vieux de 50 ans.

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1 novembre 2007 4 01 /11 /novembre /2007 17:14

La doctrine gandhienne a puisé certaines de ses notions clés dans la religion jaine. C’est le cas de l’ahimsa, la non-violence en pensée comme en acte.

De passage à Delhi après une marche gandhienne, ne pas visiter le temple jain d’Old Delhi (photo), situé tout près de l’immense Fort Rouge, aurait donc été impardonnable. 

Ce temple a pour particularité  d’abriter un hôpital pour les oiseaux. Dans des dizaines de cages alignées, perroquets verts, corbeaux, pigeons, poules et même aigles, paons ou dindes se remettent des traumatismes de la vie urbaine. Ailes cassées, pattes abimées, plumes arrachées ou ébouriffées, les blessures sont nombreuses et souvent graves. Cet hôpital atypique, qui peut recevoir 5000 volatiles  simultanément, ne fonctionne que grâce aux dons des particuliers.


Pour les jains, végétariens stricts, toute forme de vie doit être respectée. Les prêtres jains vont même jusqu’a porter un bandeau sur la bouche pour être sûrs de ne pas avaler d’insecte et à balayer systématiquement sur leur passage pour ne pas en écraser.

En Inde, ce ne sont pas les animaux éclopés qui manquent. A chaque coin de rue, on croise des chiens aux crânes ouverts, d’autres ayant perdu tous leurs poils. Chevaux, ânes ou chats ne sont pas mieux lotis.


Photos : à quelques mètres seulement de l’hôpital des oiseaux, un restaurant McDonald’s rutilant, sans doute moins respecteux du principe jaïn “live and let live”.

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1 novembre 2007 4 01 /11 /novembre /2007 17:00

Lundi 29 octobre : un homme fait face aux policiers  qui empêchent le cortège de se diriger vers le Parlement

























Mardi 30 octobre : Après leur victoire politique,  il est grand temps pour les paysans sans-terre de quitter Ramlila Ground (Delhi), où ils campaient, qui commence à se transformer en mare de boue.

                                  

Certaines femmes et personnes âgées trouvent des places dans des camions ; les autres prendront le train pour rentrer dans leurs villages, sans billet, comme à l'aller.

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31 octobre 2007 3 31 /10 /octobre /2007 16:59

“Bien sûr, tout ne va pas changer du jour en lendemain : même si les cours de justice rapides sont créées, les sans-terre auront toujours du mal à trouver des avocats pour défendre leurs droits”, remarque avec lucidité Rajagopal au lendemain de la victoire de son mouvement. Mais il ajoute immédiatement, sourire rayonnant aux lèvres, que ce dénouement prouve que la mobilisation non-violente n’est pas vouée à l’échec dans le monde où nous vivons, et ce même si elle émane des couches les plus défavorisées.

Selon Rajagopal, le fait qu’un Manmohan Singh affaibli par les tensions au sein de sa majorité se soit engagé à mettre en place les réformes en faveur des paysans sans terre n’est pas un facteur d’inquiétude. “Les élections générales doivent avoir lieu dans un an : le gouvernement est donc obligé d’agir vite”, souligne-t-il.

La commission nationale sur les problèmes de la terre devrait être mise sur pieds en un mois. En attendant, les 25 000 marcheurs se sont éparpillés à nouveau, rejoignant les quatre coins de leur immense pays et leurs luttes quotidiennes pour la survie. Espérons que leurs espoirs ne seront pas déçus.

Deux ou trois acres de terres fertiles suffisent à nourrir correctement une famille indienne moyenne.

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31 octobre 2007 3 31 /10 /octobre /2007 16:54

Dimanche, ils ont parcouru 17 km dans New Delhi. Aujourd’hui lundi, ils ne devaient marcher que 4 kilomètres, la distance qui les séparait du Parlement. Toute ces femmes allaitant leur bébé de quelques mois en marchant, ces gens âgés touchant aux limites de leurs forces (deux sont déjà morts d’épuisement et un d’une crise cardiaque pendant la marche) allaient enfin atteindre le but de ce mois d’efforts.

Mais ce matin, la police avait bouclé le grand terrain poussiéreux où le camp avait été installé pour la nuit. Des centaines de policiers, hommes et femmes en bérets et uniformes beiges, bloquaient toutes les issues. Plutôt que devant le parlement, le sit-in s’est donc installé devant le front de policiers. De nouveaux slogans ont fait leur apparition : “la terre ou la prison” et “ouvrez-nous les portes !”. Tous les leaders se sont exprimés, soulignant que la marche avait été pacifique d’un bout à l’autre, organisée en bonne intelligence avec la police, et que ce n’était qu’à New Delhi qu’apparaissaient les problèmes. Le cortège devait à l’origine partir à 8h30 mais était toujours piégé dans son enceinte de poussière à 15 heures. Ramesh, un des dirigeants d’Ekta Parishad, était parti négocier avec le ministre du développement durable.

Et soudain, une explosion de joie ! Le ministre revient annoncer que le gouvernement accède aux demandes des marcheurs : une commission nationale chargée de se pencher sur les problèmes de la terre va être créée, comptant parmi ses 8 membres (environ) sans doute la présidente de la Gandhi Peace Fondation. Les demandes de cours de justice plus rapides chargées des litiges sur la terre et d’un interlocuteur unique pour les sans-terre devraient être prises en compte par la commission.

Après les cris et les chants, une (courte mais intense) minute de silence a été consacrée à la mémoire des personnes décédées pendant la marche, ponctuée d’incantations “Ooooooooom Shakti”.

“Ils nous donnent raison mais ils nous tiennent enfermés”, remarque Gauri, chargée des activités culturelles (chants, danses, théâtre) d’Ekta Parishad, entre larmes de joie et colère.

Ce soir, la police a rouvert les issues et les premiers groupes de villageois quittent déjà le camp pour regagner leurs pénates, pendant que d’autres dansent à la lueur des néons.

Photo : explosion de joie après l'annonce de la "victoire" des marcheurs

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29 octobre 2007 1 29 /10 /octobre /2007 16:42

La capacité des femmes indiennes à marcher, voire à courir, en portant toutes sortes de choses sur leur tête m’étonnera toujours ! Et quand il faut tenir pendant 350 km comme cela, on frôle l’exploit.








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29 octobre 2007 1 29 /10 /octobre /2007 16:35

Bal Vijay est un vénérable octogénaire, vêtu de blanc des pieds à la barbe. Il suit chaque jour la marche de Janadesh d’un pas régulier.
En 1952, Bal Vijay a commencé à travailler comme secrétaire de Vinoba, le successeur de Gandhi dans la lutte non-violente pour l’émancipation des plus pauvres. A ses côtés, il a parcouru les chemins de l’Inde rurale, incitant les grands propriétaires à faire don d’un morceau de leurs terres. C’était l’époque du mouvement Budhan, ou “don de la terre’, des années 1960 et 1970. Des milliers d’hectares ont alors été collectés, mais faute d’inscription des dons sur les cadastres et les registres, le mouvement s’est heurté à de nombreux problèmes légaux.

“A l’époque, nous ne demandions rien au gouvernement, nous nous adressions seulement aux particuliers, mais aujourd’hui c’est à lui de faire un pas en avant pour régler le problème de la terre”, souligne Bal Vijay. Pour ce gandhien “historique”, l’agriculture est tout autant créatrice de richesse que l’industrie : “l’industrie tranforme un matériau brut en un produit fini, mais d’une simple graine, on tire une infinité de graines”.

Photo : Bal Vijay fait la sieste après une longue matinée de marche. Près de lui, un de nos jeunes traducteurs anglais-hindi : autre génération, autre style !

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Présentation

  • : Le blog de pondibéa
  • : reportage sur la marche des paysans sans terre indiens, de Gwalior à New Delhi, en octobre 2007
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Texte Libre

Ce blog se propose de suivre d'un bout à l'autre la grande marche gandhienne "Janadesh 2007" des paysans sans terre indiens, oubliés de la croissance de l'"Inde qui brille". Il en expliquera autant que possible les tenants et les aboutissants et profitera de cet immense mouvement populaire -25 000 personnes, hommes, femmes, enfants, vieillards, en marche vers New Delhi- pour éclairer certains aspects de l'Inde contemporaine. Une Inde dont la population reste rurale à plus de 70%.
La blogeuse : Béatrice Roman-Amat, jeune journaliste passionnée par l'Inde.
Ce blog était à l'origine un blog de la rédaction du Monde interactif, mais quand lemonde.fr l'a archivé, je l'ai recréé sommairement sur over-blog.