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12 octobre 2007 5 12 /10 /octobre /2007 11:43

Agra n’est pas seulement la ville du Taj Mahal. C’est une grosse cité industrielle de 1,3 millions d’habitants, polluée et bruyante comme toute ville indienne de ce nom.

 Après plus de 100 kilomètres de marche, les 25 000 participants (plus les personnes s’étant jointes à la marche au fur et à mesure, difficile à dénombrer) à Janadesh y sont arrivés hier soir. Le ministre national du développement rural devait y faire une apparition et expliquer quelles concessions il était prêt a faire. Mais de ministre point.


Rajagopal avait expliqué que quelque soit l’issue de ce discours du ministre, la marche continuerait jusqu’a Delhi, soit comme manifestation de joie et de victoire, soit comme suite de la protestation. Il semble que ce soit finalement la deuxieme proposition qui ait pris le dessus.

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8 octobre 2007 1 08 /10 /octobre /2007 11:26

Jambes découvertes jusqu’aux genoux, lourdes boucles sur le haut des oreilles, dizaines de rangées de perles autour du cou, tatouages géometriques sur les bras et les jambes, les femmes adivasis (tribales) de l’Etat du Chhattisgarh se remarquent dans le cortège des 25 000 marcheurs. Les hommes portent des chapeaux en bambou tressé et pour certains des arcs et des flèches en bois pour représenter leur culture ancestrale menacée.
Cet Etat reculé est représenté par 3000 paysans sans terre. Certains d’entre eux ont vu toutes leurs recoltes brulées par le "Forest Department” de leur Etat juste avant de venir participer à la marche. Les autorités consideéaient en effet que ces populations tribales cultivaient illégalement des espaces gagnés sur la forêt, alors que le ministère des affaires tribales définit au contraire les adivasis comme les populations dont le mode de vie est lié a la forêt et qui sont donc autorisées à vivre à sa lisière. Deux ministères, deux politiques aux philosophies opposées, pas de coordination.

Gyanadhar Shastri est un des leaders de ces communautés du Chhattisgarh. S’il pouvait s’adresser directement au gouvernement, il lui demanderait “Pourquoi ne bénéficions-nous d’aucune protection des droits de l’homme ? N’importe qui peut nous battre ou violer nos femmes”, et “Pourquoi le gouvernement donne-t-il seulement de la terre à des grandes compagnies privées et jamais aux pauvres ?” Il insiste sur le fait que le gouvernement laisse les entreprises comme Tata ou Pepsi puiser toute l’eau des rivières et autorise tous les exploitants de bauxite à s’installer où ils veulent.
Le gouvernement dispose en effet d’un droit inaliénable à l’acquisition de n’importe quel terrain, quand il considère que "l'intérêt général" est en jeu. En 1978, le 44e amendement à la Constitution a retiré le droit à la propriété des droits fondamentaux, pour le placer dans une section subsidiaire.
D’autres habitants du Chhattisgarh m’expliquent que la pratique du mariage forcé est très commune dans leur région. Les non-tribaux n’ont théoriquemet pas le droit d’acquérir de la terre appartenant à des adivasis. Mais dans les faits, rien de plus simple que de contourner cette disposition : des non-tribaux forcent des filles tribales à les épouser, accaparent des terres et gardent les filles comme servantes, avant de se remarier avec une femme de leur caste...
Menacées à la fois par l’industrialisation, la corruption de certains membres de leur communauté et les agences chargées de préserver la forêt ou de créer des parcs nationaux, les adivasis du Chhattisgarh se sentent assiégés de toutes parts.

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8 octobre 2007 1 08 /10 /octobre /2007 11:12

Bye bye Madhya Pradesh, namaskar Rajasthan ! La marche vient de quitter l’Etat du Mahya Pradesh pour entrer sur la terre des Rajpouts. Le Rajasthan est un Etat paradoxal : destination très prisée des touristes pour ses palais fastueux, c’est aussi un des Etats les plus pauvres du sous-continent, où une population essentiellement rurale se débat sur une terre aride, où fruits et légumes ne poussent que très peu. C’est aussi un des Etats où les mariages d’adolescents restent fréquents et où le système agraire féodal est le mieux ancré. 

Depuis que nous avons passé la frontière entre les deux Etats, les paysages se font de plus en plus désertiques et le vent apporte de plus en plus de poussière. Pourtant, certaines regions du Madhya Pradesh n’avaient pas non plus reçu de pluie depuis 5 ou 6 ans. Dans le village tribal de Dursedi, la situation de sécheresse devient critique. Organisées en “self help groups”, les villageoises réussissent cependant à mettre dans un pot commun 15 roupies par mois chacune, pour payer des soins médicaux, une cérémonie de mariage ou des graines pour les plantations.

Dans ce pays d’inégalites criantes, l’eau de pluie est loin d’être la resource la mieux partagée. Pendant que le Madhya Pradesh et le Rajasthan ont soif, le Bihar et l’Uttar Pradesh ont été submergés par les inondations de la dernière mousson. Certains paysans du Bihar qui ont tout perdu dans ces inondations ont décidé de quand même participer à la marche jusqu’a Delhi. Ils ont d’autant moins à y perdre.

Photos : village du Madhya Pardesh. Droite : femme avec ses chèvres, entrevue depuis un pont au Rajasthan  






Premiers paysages du Rajasthan.
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6 octobre 2007 6 06 /10 /octobre /2007 10:32

Chaque jour, le convoi transporte et distribue aux marcheurs :

-5 tonnes de riz

-5 tonnes de farine de blé (sous forme de chapatis)

-2.5 tonnes de pommes de terre

-500 kg de massala (mélange d’épices)

Pour chacun des 25 000 marcheurs, le coût total de l’alimentation pendant la durée de la marche est d’environ 1000 roupies (soit un peu moins de 20 euros). Un coût assumé par l’organisation Ekta Parishad, soutenue notamment par des ONG allemandes et suisses.

Heureusement que les paysans indiens pauvres ne sont pas habitués a avoir leur ration de viande quotidienne (voire bi-quotidienne) et les desserts itou !
 

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6 octobre 2007 6 06 /10 /octobre /2007 10:30

Ram Pyari a entre 50 et 60 ans. Elle ne peut pas en dire plus sur son âge. Pendant qu’elle parle, elle tire sur un pan de son sari noir, pour montrer qu’elle ne possède que cet unique vêtement pour toute la marche et a honte de devoir arriver a Delhi vêtue comme cela.

Originaire du Sud du Madhya Pradesh, elle participe à la marche avec 14 de ses proches. C’est le leader de sa communaute qui lui a demandé de participer à Janadesh. Depuis son enfance, elle n’a jamais possedé la moindre terre mais a toujours travaillé dans les champs de grands propriétaires.

Selon les chiffres officiels pour la période 1999-2000, le salaire d’un manoeuvre agricole pour une journée de travail est de 40 roupies en moyenne pour un homme, 28.4 pour une femme et 24.2 pour un enfant. (56 roupies=1 euro)

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6 octobre 2007 6 06 /10 /octobre /2007 10:22

Un mouvement de l’ampleur de cette marche ne peut manquer d’attirer l’attention des hommes et femmes politiques de tous les bords. Hier, lors d’une immense réunion dans un stade de Morena (à mi-chemin entre Gwalior et Agra), la population locale s’est pressée autour des 25 000 marcheurs pour écouter les personnalites s’exprimant à la tribune.

A l’applaudimètre, c’est Jyohtiraditya Scinda qui a remporté haut la main la compétition. Il est l’héritier de l’ancienne famille royale de Gwalior, qui a régné jusqu’à l’indépendance. Le “prince” est aujourd’hui député du Madhya Pradesh au parlement de Delhi, pour le parti du Congrès. Il a fait son entrée telle une star de cinéma, sous le crépitement des flashs d’appareils photo. Il était frappant de constater à quel point il avait la peau claire (synonyme de pureté et de haute caste en Inde) par rapport à la foule des auditeurs. “Dans cette guerre de la faim, je suis derrière vous” a-t-il proclamé, avant de prononcer quelques mots dans des dialectes du Madhya Pradesh, pour montrer sa proximité avec le peuple. Il a promis de parler du problème de la terre et des revendications de Janadesh avec Sonia Gandhi, leader du parti du Congres.

Récupération politicienne ou vraie volonté de faire changer les choses ? Difficile de savoir. Le clientélisme politique est une réalité en Inde comme dans de nombreuses démocraties, et le parti du Congrès fait partie de la coalition au pouvoir actuellement.

Le “chief minister” du Madhya Pradesh s’est également exprimé à la tribune. Membre du BJP, le parti nationaliste hindou actuellement dans l’opposition à l’échelle nationale, il a présenté des mesure qu’il va mettre en place dans son Etat à partir du 1er novembre : l’Etat prendra en charge la moitié des intérêts que les paysans doivent payer aux banques, afin qu’ils ne payent plus que 7% au lieu de 14%. Il s’est engagé a créer une unique autorité responsable des litiges concernant la terre, ce qui est une revendication de Janas\desh a l’échelle nationale.

Au milieu de ces promesses et discours enflammés se promenait Hari Shankar Palia, vétéran de la période gandhienne âgé de 95 ans. Pour avoir participé à de nombreuses padyatras (marches non-violentes de revendication), il sait qu’elles peuvent donner des résultats étonnants. Reste a savoir si la volonte politique sera assez forte pour se lancer dans des reformes aussi massives que celles demandées par Rajogapal et ses marcheurs.













Photos : le "prince" de Gwalior à gauche ; Hari Shankar Palia, vétéran de la lutte contre l'indépendance, à droite.

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3 octobre 2007 3 03 /10 /octobre /2007 18:30

Le jour du départ de la marche, Anaïs Hammel, la coordinatrice des occidentaux participant à la marche, disait que beaucoup de gens prédisaient que la marche n’irait pas jusqu’à Agra, que des milliers de personnes seraient sans doute arrêtées avant pour atteinte a l’ordre public. “Arrêter 10 000 personnes à la fois ne leur fait pas peur, ils l’ont déjà fait” soulignait-elle.
Pourtant, c’est pour l’instant exactement l’inverse qui se passe : “les policiers sont très amicaux, ils ne font que nous aider !” se rejouit Rajagopal. La marche suit l’autoroute toute neuve allant de Goa à New Delhi, dont la police a bloqué tout un côté pour que Janadesh puisse progresser sans encombre. La circulation se concentre donc sur deux voies et de temps en temps les 25 000 marcheurs s’arrêtent et s’accroupissent en plein soleil, le temps que la police fasse traverser les camions et divers véhicules.
Le long de la route, on croise aussi de temps en temps un camion portant l’inscription “riot control vehicule” (camion anti-émeute), mais la discipline des groupes de 1000 marcheurs et le caractère non-violent de la marche ont jusqu’ici rendu inutile toute intervention. Lorsque le cortège traverse des villes, les enfants des écoles en uniformes lancent des fleurs aux marcheurs et des habitants leur tendent des cruches d’eau. Pendant ce temps, les leaders du mouvement ont fait parvenir au ministre national du développement rural une première liste de propositions de réformes, qui est en train d’être examinée.

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3 octobre 2007 3 03 /10 /octobre /2007 18:21

Le 3 octobre, deuxième jour de Janadesh, la marche devait couvrir treize kilometres. En plus de la fatigue de la marche, du soleil et des sacs a porter sur la tête (contenant une feuille de plastique sur laquelle dormir le soir, souvent une bouteille d’eau et les assiettes en métal de la famille), les femmes originaires des Etats du Bihar et du Jarkhand devaient jeûner pendant toute la journee, pour des raisons religieuses.

Cette fête hindoue de Jaytia était pour elles l’occasion de protéger par le jeûne leurs époux et enfants. Le soir, quand la lune s’est reflétée dans un baquet d’eau, elles ont été autorisées à manger. La quasi totalité des 25 000 marcheurs sont hindous, comme 82% de la population indienne, mais ils pratiquent souvent des formes d’hindouisme particulières, mêlées de traditions  tribales et d’animisme.  

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3 octobre 2007 3 03 /10 /octobre /2007 16:10

Le 2 octobre à 14 heures, après cinq heures de discours sous une tente chauffée a blanc ou s’alignaient les 25 000 marcheurs, la foule s’est mise en marche. Organisé par l’Etat, Madhya Prdesh à l’avant, le cortège s’étendait sur 6 kilometres, la courte distance de cette première étape du pacours.

Aux cris de “nous ne sommes pas des mendiants”, “l’eau, la forêt et la terre doivent être contrôlées par le peuple” et “des droits égaux pour tous”, ils ont parcouru la distance qui les séparait d’un vaste espace où ils allaient camper le soir. Ekta Parishad n’ayant pas les moyens de les nourrir plusieurs fois par jour, les marcheurs reçoivent un repas de riz et de légumes par jour, à l’arrivée de la marche. Trente cuisiniers par groupe de 1000 marcheurs préparent les repas ( soit 750 cuisiniers en tout, hommes et femmes).

Le 2 octobre, jour de l’anniversaire de la naissance de Gandhi, tous les marcheurs étaient galvanisés par la grande réunion du matin. Rajagopal s’y était exprimé le dernier, laissant auparavant la parole aux représentants des différentes communautés, des leaders d’Ekta Parishad, et aussi à Shawn A-in-chat-Atleo, représentant de l’assemblée canadienne des peuples indigènes. Vêtu d’une sorte de cape brodée des symboles de sa tribu d’origine, il a appelé les peuples premiers du monde entier (375 million de personnes) à s’unir pour lutter contre l’accaparation de leurs terres par des projets miniers ou industriels mais aussi contre la disparition de leurs langues, chants et danses traditionnels. Il a conclu son discours par un chant sacré, très apprecié par la foule.

Seul le discours d’un membre du BJP (parti nationaliste hindou) a tranché avec la tonalité générale, en insistant sur le fait que la Chine fait peur mais que l’Inde n’inspire aucune crainte au monde. Des préoccupations bien éloignées de celles de la foule des sans-terre.

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1 octobre 2007 1 01 /10 /octobre /2007 16:03

Les sans-terre indiens ne sont pas seulement en conflit
avec les grands propriétaires terriens ou le gouvernement
lorsqu’il les exproprie, mais aussi avec…les dieux.

“Certains grands temples peuvent posséder jusqu’a 10 000 acres de terrain, explique M.Mariappan, avocat a Madurai. Selon une jurisprudence de la plus haute cour de justice d’Inde, “une idole est un personne juridique”, et peut donc posseder des biens”.

De là à incriminer Shiva ou Ganesh de l’état de pauvreté extrême des sans-terre, il y a cependant un pas !

En réalité, ce sont souvent les grands propriétaires locaux qui administrent ces terres entourant les temples et traitent les manoeuvres agricoles comme des esclaves. Ces paysans sans terre ne peuvent même pas obtenir de droit à l’exploitation continue des terres du temple.

Rien que dans le Tamil Nadu, les temples concentrent un sixième des terres cultivables. Par ailleurs, lorsque les différents Etats indiens ont cherché à déterminer de quelles terres ils disposaient afin de les redistribuer, les terres appartenant à des organisations religieuses ou de charité publique ont été exclues. Finalement, ce ne sont que 1.3% des terres fertiles qui ont été distribuées (selon les chiffres du rapport 2000-2001 du ministère du developpement rural).

Photo : statue géante de Shiva.

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  • : Le blog de pondibéa
  • : reportage sur la marche des paysans sans terre indiens, de Gwalior à New Delhi, en octobre 2007
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Texte Libre

Ce blog se propose de suivre d'un bout à l'autre la grande marche gandhienne "Janadesh 2007" des paysans sans terre indiens, oubliés de la croissance de l'"Inde qui brille". Il en expliquera autant que possible les tenants et les aboutissants et profitera de cet immense mouvement populaire -25 000 personnes, hommes, femmes, enfants, vieillards, en marche vers New Delhi- pour éclairer certains aspects de l'Inde contemporaine. Une Inde dont la population reste rurale à plus de 70%.
La blogeuse : Béatrice Roman-Amat, jeune journaliste passionnée par l'Inde.
Ce blog était à l'origine un blog de la rédaction du Monde interactif, mais quand lemonde.fr l'a archivé, je l'ai recréé sommairement sur over-blog.